La logistique face au défi environnemental : quels moyens d’action pour les transporteurs ?
- 14 août 2020
- 5 mins
[RAPPORT]
L'optimisation de tournées, pilier de la démarche RSE des transporteurs
Comme le rappelle la récente campagne de la FNTR, le transport de marchandises se fait à 89% par la route.
Sous le slogan “Si vous l’avez, c’est qu’un camion vous l’a apporté”, la fédération rappelle ainsi le service rendu au quotidien par le transport routier, maillon essentiel de notre économie.
De par la nature et l’ampleur de son activité, il est admis que le secteur contribue au changement climatique via l’émission de polluants et de gaz à effet de serre. D’après le Citepa (Centre Interprofessionnel Technique d’Etudes de la Pollution Atmosphérique), en France les camions seraient à l’origine d’environ 8% des émissions de CO2.
A l’heure des prises de conscience environnementales et dans un contexte global de lutte contre le changement climatique, les acteurs du transport de marchandises se mobilisent pour diminuer leur consommation de carburant. De nombreux transporteurs notamment, font le choix volontaire de participer à l’effort écologique collectif en rejoignant l’initiative de la Charte CO2 de l’ADEME.
Comment optimiser les opérations logistiques pour réduire leur impact environnemental ? Quelles solutions concrètes s’offrent aux transporteurs aujourd’hui ?
Transporteurs, comment agir ?
Les entreprises du secteur du transport routier de marchandises qui s’engagent dans une démarche de réduction de leurs émissions de CO2 font évoluer leurs équipements et leurs technologies ainsi que leurs pratiques (organisationnelles et comportementales) afin d’atteindre leurs objectifs.
La “Charte d’engagements volontaires de réduction des émissions de CO2 du transport routier de marchandises”, élaborée par le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire (MTES) et l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME), propose à ce titre des fiches descriptives qui sont une véritable mine d’or pour s’engager dans des actions concrètes. Dans cet article, nous en explorons quelques unes.
PARTIE 1 : Faire évoluer la flotte de véhicules et les pratiques de conduite
Modernisation de la flotte et optimisation technique des véhicules
De nombreuses solutions existent pour réduire la consommation de carburant en modernisant ou en adaptant techniquement la flotte de véhicules utilisée. La première solution proposée est l’optimisation de la puissance des véhicules lors de leur renouvellement. En France, la puissance moyenne du parc de poids lourds se trouve aujourd’hui autour de 450 CV et augmente chaque année puisqu’elle est source de sécurité et de confort pour le conducteur. On estime pourtant que dans le cas des poids lourds, une diminution de 50-80 CV permettrait d’économiser environ 5 %-10 % de la consommation de carburant. En tenant compte des missions qui seront réalisées par le véhicule (trajets urbains ou longue distance, dénivelés ou plat, transport de “poids” ou de “volume”, etc.), il est recommandé aux transporteurs d’engager un dialogue avec les différents constructeurs afin de choisir la puissance la mieux adaptée à la spécificité des activités du transporteur et aux missions du véhicule.
Depuis 1988, les normes Euro fixent les limites maximales de rejets polluants (oxydes d’azote (NOx), monoxyde de carbone (CO), hydrocarbures (HC) et particules) pour les véhicules roulants neufs. La norme actuellement applicable est la Euro VI (ou 6) : elle est 5 fois plus contraignante que la précédente (Euro V ou 5) concernant les rejets d’oxydes d’azote, 3 fois plus pour les rejets d’Hydrocarbures et 2 fois plus pour les rejets de particules. Aujourd’hui, 57% du parc de poids lourds roulants est normé Euro VI. Le renouvellement de la flotte pour des véhicules de ce type est une action efficace pour améliorer les performances environnementales des transporteurs (d’autant plus que les véhicules sortants sont anciens). Cette action répond en outre à la mise en place des Zones à Faibles Emissions par les agglomérations pour réduire la pollution dans les centres urbains.
A NOTER : Le terme « Zone à Faible Emission » remplace l’expression utilisée jusqu’à fin 2019, « Zone à Circulation Restreinte » (ZCR). Une Zone à Faible Emission désigne une zone urbaine dont l’accès est restreint aux véhicules les plus polluants. En France, les restrictions se font sur la base des vignettes “Crit’Air” (certificats de qualité de l’air). Ce dispositif a été institué dans le cadre de la Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 et figure dans le projet de loi d’orientation sur les mobilités (LOM). En 2024, la ville de Paris bannira les véhicules de Crit’Air supérieur à 2, interdisant ainsi les voitures diesel et éliminant ainsi les émissions les plus polluantes de la capitale française.
Enfin, des aménagements techniques sur les véhicules du parc roulant sont pertinents pour réduire la consommation de carburant : il s’agit par exemple du bridage de la vitesse maximales des véhicules (pour les longs trajets), de la coupure automatique du moteur au ralenti (pour les trajets avec arrêts nombreux et prolongés) ou encore du régulateur de vitesse intelligent (très intéressant sur les terrains vallonnés). L’allégement des véhicules, l’entretien des pneumatiques ou encore l’optimisation des essieux sont d’autres pistes d’optimisation étudiées.
Utilisation de véhicules électriques
Les camions électriques arrivent petit à petit sur le marché français. Concernant les véhicules utilitaires, l’offre est déjà là mais elle s’amenuise au fur et à mesure de l’augmentation des gabarits et s’avère encore immature concernant les poids lourds, parcourant de longues distances.
L’autonomie des véhicules, la disponibilité des infrastructures de recharge et les temps de charge sont des critères qui freinent encore le déploiement des véhicules électriques, tout comme le surcoût à l’achat, largement supérieur à celui d’un véhicule diesel du même type. Il faut donc compter sur un retour sur investissement long-termiste et privilégier le remplacement des véhicules dédiés aux livraisons urbaines.
En termes de réduction des émissions de CO2, les gains liés au remplacement d’un véhicule consommant des carburants fossiles par un véhicule électrique sont de l’ordre de 95% pour un véhicule 100% électrique.
A NOTER : Les offres des constructeurs sur les porteurs et tracteurs sont représentés par Volvo Trucks (et sa filiale Renault Trucks) qui ont annoncé des projets de commercialisation de véhicules de 16 à 19 tonnes à destination de la distribution urbaine avec une autonomie de 300 km. Mercedes a également annoncé des investissements de l’ordre de plusieurs milliards sur le développement de véhicules électriques à partir de 2021. Nikola Motor promet quant à lui un nouveau type de batterie dont l’autonomie serait de 1300 km ! Enfin, les véhicules Tesla font eux aussi souvent parler d’eux avec des projets de véhicules dont les performances annoncées ont de quoi impressionner !
Utilisation du Gaz Naturel pour Véhicules (GNV)
Lors de la même conférence, on apprend que l’entreprise Bils-Deroo a choisi de renouveler une partie de sa flotte par des camions roulant au GNV. A raison de 3 camions pour commencer, Jimmy Bils (CEO de Bils-Deroo) estime que sa flotte sera composé de 10 camions de ce type avant la fin de l’année 2020.
Même si elles sont moins favorables que celles pour les véhicules électriques, des aides à l’acquisition de véhicules roulant au gaz existent (gel du tarif de la TICPE jusqu’en 2022, suramortissement prolongé pour les véhicules GNV). En Allemagne, le parlement a récemment voté le prolongement de l’exonération des péages pour les poids lourds GNV jusqu’en 2023.
Malgré cela, le surcoût à l’achat d’un camion au gaz est très important, on parle de 30% de plus qu’un thermique. La maintenance est plus chère également et l’immobilisation du camion est plus longue et plus fréquente. L’économie en coût de revient est de l’ordre de 15-20% par rapport aux carburants classiques. L’amortissement se fait sur la durée, la démarche est éco-responsable plus qu’économique : moins d’émissions de CO2 et de particules fines, réduction du bruit (2 à 3 fois moins de bruit en fonction du type de véhicule) et des nuisances olfactives pour les riverains. Les véhicules roulant au GNV sont de plus catégorisés Crit’Air 1 et ont donc accès aux Zones à Faibles Emissions mises en place en France dans certains centres urbains.
Le réseau des points d’avitaillement est encore limité sur le territoire français : l’expansion du maillage est un enjeu important pour le développement de cette technologie. Le déploiement des stations GNV se poursuit à un rythme soutenu en France avec 228 stations prévues pour juin 2021 (+58% versus juin 2020). Pour y pallier, certains transporteurs font le choix d’investir dans des stations privées ou mutualisées.
A NOTER : Le Bio-GNV est la version renouvelable du GNV : le méthane utilisé est alors produit à partir de ressources renouvelables (déchets organiques ménagers et issus de l’industrie et des exploitations agricoles) et non plus de ressources fossiles. A ce titre aucune émission de CO2 n’est imputable à son utilisation, vecteur d’économie circulaire.
Eco-conduite
L’éco-conduite est un levier important de réduction de la consommation de carburant et d’émissions des polluants qui en découlent. Les pic d’émissions ayant lieu pendant les phases d’accélération, réduire l’agressivité de la conduite et mettre en place des réflexes d’anticipation permet de limiter les émissions de NOX, de PM et de COV, dans des proportions qui dépendent du véhicule et du type de conduite précédemment adoptée. Les gains de l’éco-conduite s’illustrent également via la réduction du nombre d’accidents de la route, la diminution des nuisances sonores et une usure moindre des freins et des pneumatiques.
Après une formation initiale à l’éco-conduite, il est constaté une réduction moyenne de la consommation sur un poids lourds de l’ordre de 5,25 l/100 km. Ces gains ont toutefois tendance à s’estomper avec le temps, rendant nécessaire des formations de rappel régulières.
Grâce notamment aux formations à l’éco-conduite et au passage de l’intégralité de sa flotte en Euro VI, la société Bils Deroo enregistre aujourd’hui une consommation de 28L/100km en moyenne contre (45L/100km en 1986).