Jeux sportifs à Paris à l’été 2024 : quel impact pour les transporteurs ?
- 14 mars 2024
- 8 mins
Les Jeux sportifs à Paris à l’été 2024 s’annoncent comme l’un des événements les plus marquants de la décennie, attirant l’attention du monde entier sur la capitale française. Cependant, derrière les moments de gloire sportive et les festivités, se cachent d’importants défis logistiques qui touchent de nombreux secteurs, notamment celui des transporteurs.
Les Jeux sportifs sont un événement planétaire qui rassemble des milliers d’athlètes, de spectateurs et de médias du monde entier. Celui à Paris à l’été 2024 ne fait pas exception à cette règle, avec une prévision de 15 millions de visiteurs attendus. Un tel événement nécessite une organisation de taille qui impactera indéniablement l’activité des acteurs de la logistique et du transport.
Dans cet article, nous allons explorer les défis logistiques auxquels sont confrontés les transporteurs à l’approche des Jeux avec un focus sur les lieux concernés, les restrictions de circulation et les dérogations. Nous examinerons comment les acteurs du transport peuvent se préparer à cet événement d’envergure mondiale et les implications que cela peut avoir sur leurs opérations quotidiennes.
Circulation à Paris pendant les Jeux sportifs : quelles restrictions ?
La localisation des sites de compétition
Les sites de compétition prévus se concentreront majoritairement :
À Paris (75) :
- Au nord : Arena Porte de la Chapelle
- Au centre : Grand Palais, Concorde, Trocadéro, Pont Alexandre III, Hôtel de Ville, Invalides, Tour Eiffel et Champ de Mars
- A l’est : Arena Bercy
- A l’ouest : Stade Roland Garros et Parc des Princes
- Au sud : Arena Paris Sud (Porte de Versailles)
En Ile-de-France :
- Seine-et-Marne (77) : Stade nautique de Vaires-sur-Marne
- Yvelines (78) : Château de Versailles, Colline d’Elancourt, Stade BMX, Vélodrome National et Golf National à Saint-Quentin-en-Yvelines
- Hauts-de-Seine (92) : Paris La Défense Arena à Nanterre et Stade Yves-du-Manoir à Colombes
- Seine-Saint-Denis (93) qui accueillera également le Village des athlètes : Stade de France, Centre Aquatique de Saint-Denis, Site d’escalade du Bourget et Arena Paris Nord à Villepinte
Outre la région parisienne, d’autres villes françaises accueilleront des épreuves : Bordeaux, Nantes, Lyon, Saint-Etienne, Nice, Marseille, Lille et Teahupo’o à Tahiti.
Les périmètres de sécurité autour des sites de compétition à Paris
Les Jeux sportifs à Paris en 2024 auront un impact significatif sur la circulation routière dans la région. Aux abords des sites de compétition, des zones seront interdites aux véhicules motorisés, tandis que dans un périmètre élargi, l’accès sera strictement réglementé. Ces périmètres seront activés simultanément autour des sites, chaque jour de compétition, 2h30 avant le début de la première épreuve, et seront levés 1h après la fin de la dernière épreuve.
Quatre périmètres distincts seront établis autour de chaque site où se dérouleront les épreuves ou les manifestations liées aux jeux. Chacun de ces périmètres implique des conditions d’accès et de circulation spécifiques pour les véhicules motorisés, comme le montre l’exemple ci-dessous.
- Le périmètre “organisateur” est représenté en gris et correspond au site de la compétition proprement dit. Il n’est accessible qu’aux spectateurs munis de billets et aux personnes accréditées par l’organisation.
- Le périmètre de protection SITL (Sécurité Intérieure et Lutte contre le Terrorisme), matérialisé par un tracé bleu, se superpose généralement au précédent et suit les mêmes règles.
Les acteurs logistiques n’ont pas accès à ces deux périmètres.
- Le périmètre rouge est strictement interdit à la circulation motorisée, qu’il s’agisse de véhicules à quatre ou deux roues, sauf dérogation. Ce périmètre sera ouvert aux piétons et aux cyclistes. Il ne sera pas demandé de justificatif particulier pour des livraisons effectuées à pied ou à vélo. Les vélos cargos doivent, quant à eux, passer un contrôle de sûreté depuis les points d’entrée spécifiquement prévus dans le périmètre. Enfin, les livraisons motorisées seront interdites durant les horaires d’activation du périmètre (2h30 avant le début de la première épreuve jusqu’à 1h après la fin de la dernière épreuve). Les zones de passage sont en cours de définition et seront communiquées ultérieurement (1er semestre 2024). Pour les livraisons motorisées, une plateforme d’enregistrement dédiée aux justificatifs sera ouverte au printemps 2024.
- Enfin, le périmètre bleu constitue une zone de circulation réglementée. Son objectif principal est de réduire les flux de véhicules motorisés aux abords du périmètre rouge, en détournant la circulation de transit. Seuls les conducteurs pouvant justifier d’un besoin d’accès, comme les livreurs, les véhicules de dépannage, les déménageurs ou ceux qui doivent accéder à leur domicile ou à leur lieu de travail, seront autorisés à y circuler. Le dispositif donnera lieu à des contrôles réalisés par les forces de l’ordre.
Des mesures spéciales seront mises en place pour les épreuves sur route telles que le cyclisme et le marathon. La veille de chaque épreuve, un périmètre sera établi autour du parcours pour permettre aux athlètes de s’entraîner et de se familiariser avec la compétition. Des points de passage seront clairement définis le long de l’itinéraire pour permettre le passage des véhicules d’urgence tout en garantissant la sécurité des athlètes et des spectateurs. Aucun véhicule ne sera autorisé à emprunter le parcours, sauf en cas d’urgence. La possibilité pour les riverains ou d’autres usagers d’utiliser ces points de passage est en cours de discussion avec l’organisateur, mais elle sera très limitée.
En fonction de votre activité, l’accès aux périmètres n’est pas le même. Par exemple, le transport de fonds est autorisé en périmètre bleu et rouge tout comme les soins à domicile alors que le transport de matières dangereuses n’est toutefois autorisé dans aucune zone. Pensez à bien vérifier en fonction de votre situation.
Les voies réservées
En complément des restrictions de circulation est prévue la création de “voies réservées” aux athlètes, secours, officiels, taxis et transports en commun pendant tout l’événement sportif. Ces voies sont conçues pour garantir que les athlètes puissent accéder rapidement à leurs épreuves, avec un temps de trajet de moins de 30 minutes pour les sites situés à moins de 10 km du Village des athlètes.
Certaines de ces voies seront permanentes, utilisables pendant toute la durée des Jeux, tandis que d’autres seront “dynamiques”, activées en fonction des conditions de trafic et du calendrier des compétitions. Ces mesures concernent au total 185 kilomètres de voies, ce qui ne représente que 0,5% du réseau routier d’Île-de-France. Cependant, il s’agit d’axes cruciaux pour garantir la fluidité des accès et du trafic, notamment :
- Le boulevard périphérique dans sa quasi-totalité, sera interdit à la circulation de 6 heures du matin à minuit, du 24 juillet au 14 septembre.
- L’autoroute A1 entre Roissy-Charles de Gaulle et la porte de la Chapelle.
- L’autoroute A13 entre Boulogne et la porte d’Auteuil.
- L’autoroute A4 entre Champigny-sur-Marne et la porte de Bercy.
- Les axes desservant le Village des athlètes et le Stade de France.
Des perturbations au-delà des dates officielles des Jeux
Il est crucial de souligner que les perturbations liées à cet événement sportif ne se limiteront pas strictement à la période des compétitions, qui se dérouleront du 26 juillet au 11 août 2024, puis du 28 août au 8 septembre 2024. En réalité, les répercussions s’étendront bien au-delà de ces dates, englobant également les phases de montage et de démontage des infrastructures temporaires qui seront érigées au cœur de l’hypercentre de Paris pour accueillir ces événements exceptionnels.
Pendant la phase de montage, prévue de mars à juillet 2024, des perturbations notables affecteront la circulation aux points névralgiques de la ville. Par exemple, dès le début du mois de mars, le site du Champ de Mars connaîtra des restrictions d’accès, tandis que le 17 mai marquera le début des perturbations sur la place de la Concorde, et le 1er mai pour le secteur du Trocadéro. À noter que plusieurs jours avant la cérémonie d’ouverture, le 26 juillet, la quasi-totalité des quais et voies le long de la Seine seront interdits à la circulation motorisée.
Quant à la phase de démontage, son calendrier est en cours de définition. Les autorités, tant au niveau de l’État que de la Ville de Paris, s’efforceront de libérer les espaces le plus rapidement possible. Dans cette optique, le démontage débutera dès la conclusion des dernières compétitions sur chaque site et sera achevé au plus tard à la fin du mois d’octobre 2024, marquant la pleine restitution de l’espace public.
En somme, de mars à octobre 2024, ceux qui devront se déplacer dans Paris pour livrer des marchandises, effectuer des transports de personnes, ou répondre aux besoins de leurs clients devront faire preuve de patience et s’adapter aux contraintes logistiques inhérentes à cette période exceptionnelle.
Comment les acteurs logistiques peuvent ils se préparer à cet événement sportif de grande ampleur ?
Gestion des stocks et des livraisons : un défi de taille pour les acteurs logistiques
Avec l’arrivée des Jeux, différents secteurs économiques tels que la grande distribution, la restauration, le commerce de détail et le tourisme se préparent à une augmentation significative de la demande et de l’activité. Selon Christian Rose, responsable Environnement, Transport et Logistique à la Confédération des grossistes de France, “3 200 tonnes de marchandises en plus entreront par jour lors de cette période”. Le cabinet Logicités prévoit que le nombre de livraisons sera multiplié par 1,5 voire 2 en fonction des filières.
Cela implique la nécessité cruciale d’une gestion efficace des stocks et des livraisons pour éviter les ruptures d’approvisionnement, ce qui est particulièrement challengeant pour le secteur de la restauration qui dépend fortement de produits frais.
Il est important de noter que les restrictions de circulation dans certaines zones impacteront également le trafic dans les zones avoisinantes qui ne sont pas directement touchées par les restrictions. Par conséquent, la réorganisation des livraisons pour tenir compte de ces contraintes sera cruciale pour tous les acteurs économiques, qu’ils soient directement liés aux Jeux ou non.
Thierry Quaranta, Directeur des Opérations Alimentaires Supply Chain France du groupe Carrefour, a témoigné lors d’un webinar sur les enjeux logistiques des Jeux organisé par InTerLUD : « Les entrepôts des enseignes sont situés hors Paris intra-muros ; nous n’aurons pas de problèmes pour produire, mais plutôt pour livrer. Cela demande de réorganiser nos flux avec des livraisons différentes pour faciliter la vie. 80% des livraisons s’effectuent entre 6 et 9 heures du matin. Plus tôt, ce sera difficile à cause des riverains et de la présence de personnel en magasin. Nous serons amenés certainement à baisser la fréquence des livraisons de certains magasins (tous les 2 ou 3 jours). »
Se faire livrer les marchandises en amont et les stocker est évidemment la solution la plus pratique pour s’assurer d’avoir les stocks nécessaires. Cependant, en fonction des entreprises, cela peut être complexe à mettre en place, les espaces de stockage à Paris intra-muros étant rares et coûteux.
💡 Chiffres clés sur les Jeux à Londres en 2012 (enquête de TIF en amont et pendant les Jeux):
- 57% des opérateurs logistiques ont apporté des changements suite aux Jeux.
- 51% des répondants ont fait des changements à leurs planifications habituelles de transport de marchandises pour éviter les interruptions de livraison pendant les Jeux.
- 24% ont reporté leurs commandes non essentielles.
- 19% ont choisi un mode alternatif de livraison.
- 18% ont opté pour un mode de livraison en horaire décalé.
- 15% ont réalisé des commandes en plus grande quantité sur moins de livraisons.
- 13% ont eu recours à des fournisseurs différents.
- Au final, 14% des répondants ont déclaré avoir subi des perturbations d’approvisionnement pendant les Jeux.
La livraison de nuit : une solution privilégiée pour faire face aux restrictions de circulation
La livraison en horaires décalés, et notamment la nuit (de minuit à 6h), est une piste suggérée par de nombreux acteurs pour faciliter les opérations et désengorger le trafic routier. Les commerces seraient ainsi livrés en dehors des heures d’ouverture, leur permettant d’avoir leurs colis prêts à être stockés ou mis en rayons.
Cependant, la livraison de nuit implique plusieurs difficultés :
- Cette approche n’est pas envisageable pour l’ensemble des livraisons : les livraisons à domicile ou dans les bureaux ainsi que les courses express ne pourront pas être livrées à de tels horaires.
- La question des relivraisons est également évoquée par Pascal Barillon, Vice-président du Syndicat des boulangers d’Ile-de-France, qui prend l’exemple d’un boucher qui réceptionne sa viande avant 6h du matin mais qui doit ensuite la relivrer à ses clients restaurateurs. Il faut ainsi trouver une solution pour les professionnels concernés pour qui une livraison après 6h sera difficile.
- L’utilisation de matériels silencieux pour réduire le bruit des opérations de livraison afin de ne pas gêner les habitants. Par exemple, s’équiper de porte arrière électrique, hayon élévateur couvert d’un revêtement absorbant le bruit, porte palettes électriques, etc.
- Les lieux de livraison doivent mobiliser du personnel pour réceptionner la marchandise la nuit, s’ils n’ont pas de sas sécurisé où les chauffeurs pourraient la déposer sans rentrer dans le magasin.
La cyclologistique et le fret fluvial évoqués en pistes potentielles
Selon Pascal Barillon, de nombreux professionnels utilisent déjà la cyclologistique pour la relivraison mais moins pour l’approvisionnement (en raison des limites de capacités). Le vélo pourrait pourtant être une bonne solution pour livrer les marchandises dans les zones sujettes aux restrictions de circulation. En effet, ce mode de transport est à privilégier dans les périmètres rouges où les livraisons motorisées seront interdites durant certains horaires (2h30 avant le début de la première épreuve jusqu’à 1h après la fin de la dernière épreuve).
Cependant, comme l’indique Thierry Quaranta, Directeur des Opérations Alimentaires Supply Chain France du groupe Carrefour, la capacité restreinte des vélos cargos ne permet pas de livrer l’approvisionnement de leurs magasins. Ils sont plutôt utilisés pour livrer les commandes de proximité des particuliers.
Une des pistes de plus en plus suggérée est le transport fluvial qui ne souffre pas d’embouteillage et qui permet une livraison dans le cœur de Paris. La complémentarité avec d’autres modes de transport (camion, vélo) est, bien entendue, cruciale pour le dernier kilomètre mais le fluvial permet de réduire les émissions de CO2 des kilomètres parcourus en amont (cinq fois moins émissif que le transport routier à la tonne). Cependant, comme le souligne Thierry Quaranta, le fluvial est peu adapté aux produits alimentaires (notamment frais) car le temps de transit est assez important.
Ce mode de transport connaîtra des limites lors des cérémonies d’ouverture et de fermeture des Jeux où la quasi-totalité des quais et voies le long de la Seine seront interdits à la circulation motorisée. Le trafic sera aussi limité à certaines heures de la journée pendant près de trois semaines supplémentaires.
💡 Pour aller plus loin, visionnez le webinar sur les enjeux logistiques des Jeux organisé par InTerLUD, en partenariat avec le Club « Logistique en Or ».
Une base de données pour recenser les arrêtés de circulation et de stationnement
Les Jeux à Paris en 2024 marqueront le début de la mise en place des premières phases de déploiement d’une base de données nationale appelée Dialog, qui recensera les arrêtés de circulation et de stationnement, qu’ils soient permanents ou temporaires, émanant de toutes les collectivités. Ce projet est supervisé par la DGITM (Direction Générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer). L’objectif est de rendre ces données disponibles de manière dynamique, directement intégrées aux systèmes de navigation GPS au cours du premier semestre 2024.
Dans un premier temps, une cartographie sera déployée pour l’Île-de-France via la plateforme B.A.C. IDF dans laquelle seront disponibles des fonctionnalités permettant de modéliser les impacts des Jeux sur la circulation. Pour les transporteurs, cette plateforme a pour but de rendre plus lisible la réglementation temporaire mise en place par chaque commune pendant les Jeux pour qu’ils puissent mieux organiser leurs opérations. Ce dispositif devrait être continué après les Jeux pour une meilleure communication des restrictions de circulation entre les différentes parties prenantes.
En conclusion, les Jeux sportifs de Paris à l’été 2024 représentent un événement majeur qui engendrera d’importants défis logistiques pour les acteurs du transport et de la livraison. Les sites de compétition seront entourés de périmètres de sécurité, entraînant des restrictions de circulation et des voies réservées pour diverses catégories.
Face à cet événement d’envergure, les acteurs logistiques devront suivre et s’adapter en temps réel aux variations de réglementations, notamment avec les voies réservées “dynamiques” qui seront amenées à évoluer. Les livraisons prendront probablement plus de temps en raison du trafic accru, des routes limitées et des contrôles dans les zones concernées. Par conséquent, une optimisation des tournées en temps réel, réactive aux aléas, sera essentielle pour répondre à ces défis logistiques.