Industrie postale : les changements nécessaires selon les dirigeants

L’industrie postale connaît actuellement une transformation significative due à la digitalisation croissante des pratiques, ainsi qu’à l’évolution des attentes et des demandes des consommateurs. Dans un contexte concurrentiel très important, les postes doivent se réinventer pour faire face à la baisse de leurs parts de marché et à la hausse des coûts opérationnels.

En conséquence, les dirigeants postaux reconnaissent la nécessité de s’adapter à ces défis et se concentrent sur plusieurs domaines clés pour stimuler la croissance et assurer la pérennité de leur organisation : la durabilité, l’innovation et la collaboration. C’est tout le sujet des passionnantes discussions qui se sont tenues à Leaders in Logistics Summit en mars 2023 à Londres où de nombreux opérateurs postaux ont pu témoigner sur leur activité.

Un marché de la livraison volatil et concurrentiel

La livraison du courrier en chute libre

Depuis une dizaine d’années, les opérateurs postaux se trouvent confrontés à un déclin des volumes de courrier. Selon une étude de Statista, le nombre de lettres distribuées dans le monde a diminué de 27% entre 2011 et 2020, passant de 360 milliards à 263 milliards. Cette tendance se reflète chez tous les acteurs postaux, avec une baisse de 8% pour le Groupe La Poste en 2022 par rapport à 2021, -0,7% pour Deutsche Post DHL Group, -5,6% pour CTT Correios en 2022 et -5,3% pour Poste Italiane. Parallèlement, l’explosion des ventes e-commerce pendant la crise sanitaire COVID-19 a entraîné une forte augmentation du volume des colis. Les postes ont ainsi observé une croissance de leur activité de livraison de colis, qui représente désormais plus de la moitié des revenus de Royal Mail, par exemple.

Un marché du colis très concurrentiel

Cependant, le marché de la livraison de colis est déjà saturé avec de nombreux acteurs. Les postes doivent alors cohabiter avec de gros acteurs spécialisés tels que DHL, DPD (Chronopost, BRT, SEUR…), FedEx, UPS, GLS, Evri, Yodel mais également de plus petites organisations régionales. Durant la session d’ouverture du Leaders in Logistics Summit, Andre Pharand (Global Managing Director de l’unité d’affaires d’Accenture dédiée aux services postaux) a signalé que les postes perdent des parts de marché dans cette activité au profit d’acteurs plus petits, de type B2C, disposant de peu d’actifs et offrant flexibilité et fiabilité à moindres coûts. La part de marché des colis de Royal Mail Group aurait baissé de 55% en 2016 à 38% en 2020 et celle de Swiss Post de 89% à 80%.

reverse logistics

Guerre en Ukraine : baisse des volumes et hausse des coûts

Après des années 2020 et 2021 exceptionnelles pour les acteurs de la livraison, les volumes ont diminué en 2022. Lors de la table ronde “Digital, sustainable, efficient: logistics in a post-Covid world” au Leaders in Logistics Summit, Thiemo van Spellen, Group Global Accounts Managing Director du groupe Geopost, a témoigné : “Au début de l’année 2022, nous assistions encore à une normalisation après la situation liée au Covid où les volumes et l’activité ont augmenté de manière spectaculaire. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a ensuite accéléré les tendances négatives dans le secteur de la livraison. En Europe, les dépenses en ligne des consommateurs sont en baisse, ce qui a un impact sur nos volumes.

Les incertitudes géopolitiques ont ainsi entraîné une inflation mondiale avec une double peine pour les transporteurs :

  • Une hausse de leurs coûts opérationnels avec l’augmentation des prix du carburant et de l’énergie.
  • Une baisse significative de leurs volumes.

Charles Brewer, PDG du groupe Pos Malaysia, a notamment observé une réduction de 30% des volumes de colis entre 2021 et 2022, résultant à la fois de l’environnement macroéconomique et d’une concurrence accrue. Le constat est le même pour les autres opérateurs postaux : –5,3 % de volumes de colis livrés par USPS en 2022, –4% pour Swiss Post, –10% pour Colissimo (Groupe La Poste), -6% pour PostNord et -3,8% pour PostNL.

L’innovation et la digitalisation au cœur des préoccupations des Postes

Afin de faire face à ces défis et rester compétitifs, les acteurs postaux doivent adapter et moderniser leurs process. L’innovation via la digitalisation est essentielle pour rester pertinent dans le monde d’aujourd’hui. La digitalisation aide les services postaux à rationaliser leurs opérations, améliorer l’expérience client ainsi qu’à développer de nouveaux modèles commerciaux.

L’IA au service des acteurs postaux

Nul doute, les regards des logisticiens sont tournés vers la technologie et notamment les techniques d’Intelligence Artificielle (IA) pour gagner en performance et en rentabilité. C’est le cas de Pos Malaysia qui se penche actuellement sur la question du parcours client et sur les moyens de l’améliorer. Charles Brewer, PDG du groupe, a confié lors du Leaders in Logistics Summit : Nous avons récemment introduit des chat bots pour traiter les demandes clients, car nous avons constaté que les clients n’appréciaient pas vraiment décrocher leur téléphone. Nous utilisons désormais ChatGPT pour répondre aux questions. 48% de nos demandes utilisent désormais cette méthode. Cela nous a également permis de réduire les coûts et d’offrir une meilleure expérience.” Parmi ses différentes actions de digitalisation, Pos Malaysia a également transféré ses systèmes d’information vers le cloud, ce qui a permis de réduire les coûts associés d’environ 40%.

L’IA peut être un excellent moyen d’améliorer la qualité des donnéeset d’analyser avec précision l’activité d’une entreprise. Les entreprises peuvent ainsi optimiser leur réseau et anticiper les évolutions potentielles d’activité. Cela permet de prévoir les ressources nécessaires pour répondre aux besoins des clients. De plus, les outils technologiques aident à réduire les tâches manuelles et chronophages des opérationnels, ainsi que les coûts d’exploitation. Les collaborateurs peuvent se concentrer sur des tâches à plus haute valeur ajoutée et prendre des décisions éclairées, basées sur les données.

Ce sont les enjeux auxquels Kardinal tente de répondre grâce à sa solution logicielle ultra performante composée de deux modules :

  • Territory Analytics & Optimization (TAO) pour la sectorisation et l’optimisation du territoire des agences de livraison qui permet aux directeurs d’agence de visualiser et d’optimiser leurs opérations ainsi que de simuler des scénarios d’évolution.
  • Always-On Route Optimization (ARO) pour l’optimisation des tournées. Grâce à son fonctionnement en continu, l’outil permet aux planificateurs d’ajuster les tournées en temps réel pour une meilleure cohérence avec la réalité du terrain.

En tant qu’outil d’aide à la décision, la solution Kardinal accompagne les acteurs de la livraison de colis dans leur souhait de devenir plus agiles et résilients.” a déclaré Jonathan Bouaziz, CEO et co-fondateur de Kardinal lors de la table ronde “Picking the winners: which technologies are set to deliver mainstream logistics transformation?” lors du Leaders in Logistics Summit.

La robotisation et l’automatisation commencent également à prendre une place de plus en plus importante au sein des entrepôts des transporteurs. Lors d’une table ronde du Leaders in Logistics Summit consacrée à l’innovation, Sven Richard Magerøy Tønnessen, Head of Emerging Technologies chez Posten Norge, a témoigné que l’opérateur postal avait récemment testé des drones afin de livrer des prélèvements d’eau à un laboratoire pour analyse. En parcourant 60km jusqu’au laboratoire, la livraison par drone a permis de “réduire les émissions liées au transport de 99%”. Les résultats concluants de cet essai ont conforté Posten Norge d’appliquer ce type de technologie à d’autres opérations, telles que la gestion des stocks dans ses entrepôts automatisés 3PL.

Le pouvoir des partenariats pour stimuler l'innovation

Pour réaliser cette livraison par drone, Posten Norge s’est associé avec Aviant, le service de livraison express de Swiss Post, et l’un de ses clients. La collaboration entre acteurs postaux permet ainsi d’accélérer l’usage de nouvelles technologies. En effet, certaines postes sont tentées de construire leurs systèmes et outils elles-mêmes mais comme le souligne Mike Richmond, Directeur Commercial de Doddle, “en travaillant avec des partenaires, elles pourraient mettre en place quelque chose beaucoup plus rapidement”. Swiss Post en a bien conscience et a créé il y a six ans un service d’investissement pour les entreprises qui a investi dans 16 startups, à hauteur de 1 à 2 millions de francs suisses. Thierry Golliard, Director of Open Innovation and Venturing de Swiss Post, témoigne : “Les partenariats externes avec des universités, des startups et d’autres organisations nous permettent d’être rapides en matière d’innovation et nous aident à rester pertinents.

CTT Correios de Portugal a également développé un programme de startups “1520” pour accompagner les idées et accélérer les solutions en lien avec ses besoins et objectifs stratégiques. Le service postal a, par exemple, collaboré avec Robosavvy, une startup spécialisée dans la robotisation, pour l’implémentation de trois véhicules à guidage automatique, qui, avec un bras robotique, traitent plus de 90 000 colis / jour.

La tarification dynamique en réponse à la volatilité de l’activité

Face à la hausse des coûts opérationnels, les opérateurs postaux cherchent des moyens pour compenser les pertes liées à la baisse des volumes. La méthode de tarification du secteur n’est généralement pas très flexible, traditionnellement établie sur une base annuelle. Les acteurs de la livraison s’orientent de plus en plus vers une tarification dynamique, parmi eux FedEx et UPS. Ce principe, déjà appliqué par les compagnies aériennes, consiste à augmenter les prix lorsque la demande est forte et les capacités réduites, et les diminuer lorsque la demande est faible et les capacités plus importantes. Les prix varient ainsi en fonction de la capacité disponible, ce qui induit que les transporteurs sont en capacité de la mesurer. Open Pricer accompagne déjà de nombreux grands acteurs de la livraison de colis dans cette problématique.

FedEx a notamment pu réaliser un bénéfice de 150 millions de dollars sur les frais de livraison à domicile pendant la peak season 2022 grâce à la tarification dynamique. Les frais supplémentaires étaient ajustés chaque semaine en fonction de l’augmentation des volumes expédiés par les clients par rapport au début de l’année. Ce type de tarification pourra peut-être également être mis en place chez les acteurs postaux.

Les efforts des Postes s’accentuent pour une livraison plus durable

Dans un contexte de prise de conscience croissante de l’impact environnemental de la livraison de colis, les acteurs postaux dans le monde entier intensifient leurs efforts pour rendre leurs opérations plus durables et respectueuses de l’environnement.

Des Postes unies dans la recherche de durabilité

Plus de vingt opérateurs postaux ont ainsi rejoint depuis 2008 un programme pilote de mesure et de gestion de la durabilité (SMMS) de l’IPC (International Post Corporation) en partenariat avec Kahala Posts Group (KPG). Parmi les 24 postes, nous pouvons notamment retrouver bpost, Correos, Le Groupe La Poste, Deutsche Post DHL, Swiss Post, PostNord, PostNL, Royal Mail ainsi qu’USPS.

Le programme SMMS fournit une structure commune de mesure de la durabilité et de reporting qui permet aux participants de partager leurs stratégies de gestion de la durabilité, leurs performances et leurs réalisations. Toutes se sont engagées à poursuivre les objectifs de développement durable suivants d’ici 2030 :

  • Réduction des émissions liées au transport et à l’énergie de 50% par rapport à la base de référence de 2019 de 5,9 millions de tonnes.
  • Utilisation d’énergie provenant de sources renouvelables à 75% dans les bâtiments,
  • Flotte de véhicules comprenant au moins 50% de véhicules à carburant alternatif, dont au moins 25% de véhicules électriques,
  • 50% d’emballages durables,
  • 75% des déchets envoyés au recyclage ou réutilisés au lieu de la décharge.

En 2021, les postes ont déclaré une diminution de 4% des émissions par rapport à 2019 et jusqu’à 34% depuis 2008 selon une étude de SMMS en 2022. Depuis 2008, les efforts des postes ont pu, cumulés, réduire les émissions de 25,7 millions de tonnes de CO2. Les véhicules électriques ont augmenté parallèlement de 629%, passant de 17 000 en 2012 à 107 000 en 2021, ce qui représente 17% des flottes.

Electric van

Des initiatives individuelles intensifiées

Chaque acteur postal a entrepris des initiatives pour répondre à la demande d’une livraison plus verte. Par exemple, PostNord, la poste norvégienne et suédoise, a mis en place divers projets pour atteindre son objectif de neutralité carbone d’ici 2030 :

  • Augmentation du nombre de couloirs verts dans le sud de la Suède pour réduire les émissions de ses transports routiers.
  • Aménagement de l’une des plus grandes installations de panneaux solaires dans l’entrepôt de Norrköping pour alimenter ses camions électriques et vendre l’excédent d’énergie.
  • Transformation de sa flotte de véhicules avec 64 % de l’énergie utilisée provenant de sources renouvelables.

De son côté, An Post, la poste irlandaise, livre depuis 3 ans la ville de Dublin avec 100% de véhicules électriques et étend ces livraisons sans émission à toutes les grandes villes d’Irlande. Lors d’une table ronde à Leaders in Logistics Summit sur la durabilité, David McRedmond, Directeur Général d’An Post, a déclaré que la société “envisageait d’ouvrir son réseau de bureaux de poste à des concurrents, tels que DPD, afin de permettre des livraisons plus durables en général.

En matière de durabilité dans le secteur du transport, deux défis majeurs se profilent à l’horizon :

  • D’une part, la disponibilité sur le marché de solutions technologiques à grande échelle qui permettent de mesurer précisément et d’optimiser les émissions de CO2 émises.
  • D’autre part, la nécessité de normes comptables harmonisées en matière d’émissions de CO2 afin qu’une comparaison entre transporteurs soit possible.

La poste allemande Deutsche Post a d’ailleurs récemment proposé de créer un label CO2 pour les colis en Allemagne afin d’informer les consommateurs sur l’empreinte carbone des transporteurs. A l’image de la valeur nutritionnelle “Nutri-Score” apposée sur les produits alimentaires dans les supermarchés, ce label permettrait plus de transparence sur les émissions de CO2 générées par l’acheminement des colis pour les citoyens.

L’industrie postale est ainsi confrontée à plusieurs défis de taille : la baisse continue des volumes de courrier, la volatilité de l’activité de livraison de colis, des délais de livraison de plus en plus courts, une demande pour une livraison plus écologique, une rentabilité difficile face à l’augmentation des coûts opérationnels… Les dirigeants des postes prennent acte de cette situation et cherchent à se digitaliser pour gagner en efficacité et en rentabilité, notamment en s’appuyant sur des technologies telles que l’IA. Bien que la digitalisation et la robotisation de l’ensemble de leurs réseaux soient des processus chronophages, le mouvement est déjà lancé. Parallèlement, les acteurs postaux intensifient leurs efforts pour réduire l’impact environnemental de leur activité en utilisant de plus en plus de vélos ou véhicules électriques pour les livraisons urbaines et en favorisant les consignes automatiques.

Dans ce contexte, Kardinal peut accompagner les postes dans ces défis pour les aider à faire face à ces enjeux majeurs de transformation. Grâce à son expertise, Kardinal est en mesure de proposer des solutions innovantes aux entreprises du secteur postal pour améliorer leur efficacité opérationnelle, leur rentabilité et leur impact environnemental.

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