De la visualisation à la prise de décision : les différents niveaux d’utilisation de la data en logistique

De même que pour la quasi-totalité des industries depuis 10 ans, la Logistique a entamé une transformation profonde liée à la Data. Cette digitalisation consiste à collecter, rassembler et qualifier la donnée de l’organisation afin de la rendre utilisable. Au fil des années, ce processus s’est retrouvé adossé à des buzzwords tels que Big Data, Data Lake, IoT, Hadoop, Machine Learning, BlockChain, IA. Ces mots sont tour à tour des concepts, des technologies, des sciences, et ils ont bien souvent plus contribué à brouiller le message qu’à clarifier les choses pour les décideurs.

Il est donc important de distinguer deux choses : la Data d’une part, et son utilisation d’autre part. La Data en tant que telle, même stockée dans des bases accessibles, performantes, avec un haut niveau de qualité, est inutile : c’est un gisement d’information inexploitable par l’Homme, qui doit donc être outillé pour avoir les moyens de s’en servir. Ce qui compte, c’est son utilisation, son “activation” par la technologie. La collecte et la disponibilité d’une donnée de qualité n’est qu’un moyen, en aucun cas une finalité.

Le véritable ROI de la data est donc à chercher du côté des applications, dont l’implémentation promet de changer en profondeur les pratiques de la logistique. Pour autant, sont-elles toutes de même nature ? Quelles promesses sont-elles véritablement en capacité de tenir ? Quels liens y a-t-il entre les différents niveaux d’utilisation de la data ?

La prise de décision assistée par la donnée

Dans tous les contextes, y compris en dehors de la logistique, l’Homme est amené à prendre des décisions qui vont du plus simple (puis-je ajouter ce colis sans dépasser la charge utile de mon véhicule?) au plus compliqué (où dois-je implanter mon prochain dépôt logistique pour réduire mes coûts ?). A chaque fois, nous suivons un processus en 3 étapes :

  1. Percevoir : nous emmagasinons des informations sur le contexte
  2. Comprendre : nous donnons du sens à ce contexte pour décrire le problème qui se pose à nous et anticiper les conséquences de nos choix
  3. Décider : nous faisons le meilleur choix possible pour nous avec les informations que nous avons

C’est un processus que chacun réalise au quotidien, dans tous les domaines de sa vie.

Mais dans un contexte où la Data devient disponible en abondance, sa nature (des chiffres, du texte, etc.) et sa quantité (des giga/tera-octets) font qu’elle est inutilisable à l’état brut par l’Homme pour prendre une décision. Il faut donc outiller (ou “augmenter”) l’Homme avec des technologies pour que ce processus de décision puisse se réaliser dans de bonnes conditions.

Comment ? En concevant des technologies capables d’accomplir ces 3 étapes pour accompagner et finalement permettre la prise de décision assistée par la Data.

Or, toutes les technologies de l’ère digitale ne réalisent pas ces 3 étapes, loin de là. La réalité est plutôt qu’il y a des technologies disponibles pour aider à chaque étape, dans chacun des 3 niveaux d’utilisation de la Data.

Niveau #1 – Percevoir : les technologies orientées visibilité

Ce premier niveau comprend l’ensemble des technologies qui vont permettre de rassembler en un même endroit des données collectées en de multiples endroits. A cette étape, il s’agit de percevoir, donc de donner une vision d’ensemble à l’utilisateur. Cela passe par la centralisation dans des environnements dédiés au stockage de données (le fameux Big Data), mais également par l’implémentation de l’IoT à différents niveaux de la chaîne logistique. Sur une problématique de Messagerie par exemple, installer des puces RFID dans les colis ou de la télématique dans les véhicules permet de savoir où ils sont à chaque instant.

Pour que l’Homme puisse percevoir, il est crucial que l’information collectée lui soit restituée. L’enjeu principal de la visibilité est le partage de l’information, à la fois à l’intérieur de l’organisation logistique, mais également entre organisations. En effet, la supply chain est souvent très longue et les maillons dépendent fortement les uns des autres (un colis perdu à un niveau de la chaîne va “mettre en retard” les niveaux suivants). Hélas, comme souvent, les informations sont silotées entre les maillons ce qui fait qu’en pratique, chaque maillon de la chaîne subit les problèmes du maillon précédent plutôt qu’il ne les gère.

La valeur de la visibilité pour la logistique réside donc dans le partage de l’information en ce qu’il permet de passer d’un mode purement réactif aux problèmes qui se posent, à un mode de gestion, de process. L’un de ses aboutissements ultimes dans les prochaines années est l’avènement d’une blockchain de référence pour la traçabilité des transferts de bien entre l’ensemble des acteurs de la logistique.

Mais il peut arriver qu’à certains niveaux de complexité, la donnée brute seule ne dise rien, et qu’il soit nécessaire de la travailler pour en tirer de réels enseignements.

data logistics

Niveau #2 – Comprendre : les technologies d’analyse et de prédiction

Ce second niveau comprend l’ensemble des technologies qui vont se baser sur l’exploitation statistique des données pour créer d’autres données. La donnée va être “raffinée” pour qu’elle puisse être utilisée autrement, à plus haut niveau. Ainsi, on retrouve ici les technologies de Business Intelligence, qui incorporent généralement des aspects de Machine Learning parfois très poussés, pour produire des rapports qui vont, en quelques pages, contenir le résultat des analyses de millions de lignes de données.

Ces technologies permettent, en suivant des KPIs plus ou moins complexes, de découvrir des problèmes, et d’en étudier les causes éventuelles. Les modèles mathématiques de Machine Learning peuvent par exemple tenter d’expliquer ce qui cause les retards à la livraison, ou l’insatisfaction client.

Mais il est également possible d’utiliser la Data et le Machine Learning pour anticiper l’avenir et, à partir de l’historique, prédire l’évolution de KPIs tels que la demande, les prix des matières premières, etc.

L’ambition de ces technologies est donc de fournir tous les éléments, y compris ceux qui sont difficilement accessibles, les signaux faibles, subtils, pour que l’Homme puisse prendre la meilleure décision.

Mais il y a des cas où ces outils, s’ils donnent toujours des éclairages intéressant, n’aident pas fondamentalement à prendre la bonne décision, car elle est trop complexe, il y a trop de paramètres.

Niveau #3 – Décider : les technologies prescriptives

Ce dernier niveau est le moins investi technologiquement, car c’est aussi celui qui porte les défis techniques et mathématiques les plus complexes à relever. Il s’agit de concevoir des machines capables de recommander la meilleure décision possible à l’utilisateur, à partir de l’ensemble des données visibles et/ou prédites (donc issues des niveaux #1 et #2), parmi des milliards de décisions possibles.

Des Hommes sont confrontés à ces décisions chaque jour, quand ils doivent optimiser leurs tournées de livraison du dernier kilomètre, ou organiser les flux logistiques au niveau national et international.

Les mathématiques capables de répondre à ces problématiques existent : c’est la Recherche Opérationnelle. On les retrouve dans les technologies qui viennent en bout de chaîne, pour outiller des hommes qui prennent des décisions à fort impact au quotidien. A ces niveaux de traitement de la donnée, l’Homme et la technologie peinent parfois à trouver leurs places respectives, et c’est parfois l’explication du peu d’utilisation de ces technologies, qui sont pourtant les plus à même d’aider les organisations à faire face aux défis logistiques de demain. Ces technologies ont encore à relever le défi d’une IA véritablement opérationnelle, capable de travailler en bonne “intelligence” avec son utilisateur.

Les gisements de valeur à chaque étape

Parce qu’elles laissent l’Homme seul face à la décision, les technologies de niveau 1 et 2 peuvent parfois amener des ROI moins immédiats au sein des organisations qui les mettent en place. A l’inverse, les technologies de niveau 3 sont inaptes à produire une décision de qualité sans le travail de normalisation et de qualification des niveaux 1 et 2. De la même façon qu’on ne peut comprendre correctement une situation sans avoir assez d’informations, et qu’on ne peut résoudre le moindre problème sans l’avoir compris, ces 3 niveaux sont interdépendants. Ils sont autant d’éléments essentiels dans la chaîne qui permettra aux organisations logistiques de demain de prendre des décisions sans cesse plus optimales du point de vue de leurs coûts, de leurs engagements clients mais également de leur impact environnemental.

La clé du succès, pour les acteurs de la logistique engagés dans le processus de digitalisation, sera donc de savoir s’équiper de façon à construire une chaîne d’aide à la décision complète, cohérente et efficace.

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