Le secteur de la logistique a connu une croissance fulgurante du e-commerce pendant la pandémie de COVID-19, suivie d’un ralentissement marqué. Cependant, au-delà de cette décroissance, c’est surtout l’imprévisibilité devenue la norme qui défie désormais les acteurs logistiques. Dans un contexte économique instable, les modèles prévisionnels traditionnels sont dépassés face aux fluctuations erratiques des volumes. Les transporteurs peinent ainsi à ajuster leurs ressources pour répondre à la demande tout en préservant leur rentabilité.
De la croissance fulgurante au ralentissement : la mutation du paysage e-commerce
Avant la pandémie, l’e-commerce connaissait une croissance linéaire et prévisible, avec des pics saisonniers bien anticipés. Cependant, les confinements liés à la COVID-19 ont entraîné une augmentation massive et soudaine des volumes, mettant à rude épreuve les capacités de l’industrie. Cette croissance exponentielle a été suivie d’une période de décroissance, mais les volumes sont restés bien supérieurs aux niveaux d’avant la pandémie.
Après la pandémie, l’inflation a posé un nouveau défi pour le secteur : la prévision des volumes est devenue extrêmement difficile pour les transporteurs. En parallèle, les coûts opérationnels ont augmenté de manière significative, avec la hausse des prix du carburant et des coûts de main-d’œuvre. Les entreprises de livraison font face à un double défi : des volumes stagnants ou en baisse, et des coûts en hausse.
“Je pense que si vous regardez les transformations dans l’industrie aujourd’hui, nous sommes dans ce que j’appelle l’ère post-COVID où nous devons gérer des projections de croissance complètement nouvelles. Pendant le COVID, tout était une question de gestion d’une très forte croissance. Aujourd’hui, il s’agit de gérer une croissance presque nulle dans un climat où beaucoup de nos indicateurs financiers ont radicalement changé. L’inflation est à son plus haut niveau et la pénurie de main-d’œuvre est un gros problème. Et comme les volumes ne croissent pas vraiment, nous ne sommes pas en mesure de compenser les augmentations de coûts par notre croissance en volume.“
Eric Dietz, Directeur des opérations Europe et Vice-Président exécutif de Geopost, dans une interview avec Post & Parcel en novembre 2023.
Une année logistique tout sauf linéaire
À l’échelle d’une année, les volumes connaissent d’importantes fluctuations pour les acteurs logistiques. Certains événements ponctuels comme la peak season (novembre-décembre) engendrent des pics de demande massifs.
Lors de cette période cruciale, qui inclut notamment le Black Friday, les transporteurs font face à un afflux considérable de colis à livrer. Ce phénomène s’est accentué ces dernières années avec l’essor fulgurant du e-commerce. Au Royaume-Uni par exemple, les ventes en ligne représentent environ 30% des ventes totales pendant le mois de novembre.
Cependant, au-delà de ces pics saisonniers récurrents, les volumes annuels sont devenus extrêmement difficiles à anticiper pour les acteurs logistiques. Dans un monde instable et mouvant, marqué par l’inflation galopante, les tensions géopolitiques et les crises sanitaires, établir des prévisions fiables relève du défi. Les modèles prévisionnels traditionnels peinent à s’adapter à l’imprévisibilité et la volatilité devenues la norme.
Des acteurs logistiques inégaux face à l'imprévisibilité de l'économie
Chargeurs comme transporteurs, les acteurs logistiques ont connu des performances contrastées en 2023.
Les géants de la vente en ligne n’ont pas été épargnés : Asos a vu ses commandes totales chuter de 15% pour l’exercice 2023, Zalando s’attend à une baisse de revenus entre 0,5% et 3% alors qu’ils tablaient au pire sur un déclin de 1%, et H&M a connu une hausse de 6% de ses ventes nettes sur l’année fiscale 2023 mais un repli de 4% au quatrième trimestre, contre 3% anticipé par les analystes. En revanche, Inditex (Zara) a connu une augmentation de 16% de ses commandes en ligne. José Antonio Ramos Calamonte, PDG d’Asos, reconnaît d’ailleurs que “le rééquilibrage ultérieur de l’économie a exposé les faiblesses de nos anciennes méthodes de fonctionnement“.
La fluctuation des volumes s’observe également chez les transporteurs. Certains, comme bpost (+6,3%) ou InPost (+21%), ont vu leurs volumes augmenter, tandis que d’autres ont connu une légère baisse tels que Geopost (-0,6%) et Swiss Post (-4,6%). Ces écarts peuvent s’expliquer par les différences de compétitivité sur les marchés locaux et les choix stratégiques des entreprises.
Face à un environnement complexe et en constante évolution, les entreprises doivent donc repenser leurs chaînes d’approvisionnement et leurs modèles opérationnels pour s’adapter à cette nouvelle réalité.
Une planification des ressources bouleversée
L’évolution du e-commerce et les fluctuations de volumes qui en découlent ont un impact direct sur la planification des ressources pour les transporteurs. Auparavant, les prévisions de volumes suivaient une tendance cyclique relativement prévisible, avec des pics connus qui facilitaient la planification. Aujourd’hui, ce modèle a significativement changé.
La rentabilité des transporteurs dépend de leur capacité à ajuster leurs ressources en fonction des exigences de volumes et de service. Augmenter les ressources lorsque les volumes augmentent, et les réduire lorsqu’ils diminuent, est essentiel pour maintenir la rentabilité. Cependant, cette tâche est devenue plus complexe en raison des fluctuations imprévisibles du marché. Au cœur de cette problématique se trouve la nécessité de rester compétitif tout en offrant un service de qualité.
Pour répondre à ces défis, les transporteurs doivent adopter des stratégies agiles, capables de s’adapter rapidement aux changements de volumes et aux exigences de service. Cela implique d’investir dans des outils de prévision avancés et de développer des modèles de planification flexibles. C’est tout l’enjeu de notre article suivant : “Quelles stratégies pour relever le défi des volumes de colis fluctuants et imprévisibles ?”.